10

Bak eut l’impression d’être frappé par le poing d’un dieu. Le coup expulsa l’air de ses poumons et le repoussa vers les profondeurs. Les bras et les jambes inertes, il n’opposait aucune résistance au courant. Il vit l’image trouble de la coque glisser au-dessus de lui. Instinctivement, il étouffa un cri et avala une énorme gorgée d’eau.

Toussant, s’étranglant, éprouvant le besoin désespéré de respirer, il recouvra toute sa lucidité. Bak sut qu’il coulait, que le courant l’emportait. La terreur s’empara de lui. Il battit des bras, trop vite, sans parvenir à les contrôler. Cette panique-là, il la connaissait bien ; s’il la laissait prendre le dessus, il se noierait. Il se força à se calmer et réprima son envie de tousser ; alors, contraignant son corps à l’obéissance, il nagea vers le haut. Il se sentait lourd et raide. La brûlure de sa poitrine devenait insupportable quand, soudain, une lumière brilla à travers l’eau, tel un appel.

Il rompit la surface des flots tumultueux et se sentit fouetté par les vagues et par un vent glacé. Il toussa et toussa encore, vomit toute l’eau qu’il avait absorbée, puis il aspira l’air à pleins poumons.

Alors il pensa à Ptahhotep.

— Père ! cria-t-il en cherchant de tous côtés.

Le couchant jetait dans le ciel une lueur dorée qui se reflétait sur les rouleaux tels des fragments de lumière, montant et retombant, apparaissant pour disparaître aussitôt ; dans cette immensité mouvante, il était impossible de distinguer une tête humaine. Bak entrevit bien, sur la droite, un bateau qui se dirigeait vers la rive occidentale. Peut-être était-ce celui qui les avait envoyés par le fond, mais il était trop loin pour qu’il en ait la certitude.

Il toussa violemment, puis se remit à crier :

— Père !

— Bak !

Ptahhotep ! Bak rendit grâce à Amon. L’eau dans ses oreilles déformait les sons et l’empêchait de repérer celui qu’il entendait. Il appela encore, reçut une réponse. Nageant dans la direction qu’il espérait la bonne, il trouva bientôt son père accroché à une longue planche incurvée de la coque, qui était tout ce qui subsistait de la barque. Un bout de mât y était fixé et un pan de voile déchiré flottait sur les vagues.

— Comment te sens-tu, père ?

— Trempé et furieux, mais indemne. Et toi ?

Bak tenta de sourire, mais il contractait si fort les mâchoires qu’il ne parvint qu’à grimacer.

— J’ai l’impression qu’on m’a pelé le dos et qu’on m’a forcé à boire des pintes d’eau. En dehors de cela, je suis prêt à infliger une rossée à l’esprit malin lui-même.

Un fieffé mensonge, destiné à les réconforter tous les deux.

— Ce bateau nous a heurtés exprès, fulmina Ptahhotep. Le fils de serpent, le…

Il continua à vitupérer et proféra même des invectives que son fils, tout policier qu’il fût, n’avait jamais entendues.

Bak scruta la rive ouest à la recherche du bateau qu’il avait entraperçu. Rê était entré dans le monde souterrain en emportant avec lui l’éclat flamboyant du ciel. La nuit tombait très vite. Le bateau s’était évanoui dans la pénombre ; la voile carguée, il se cachait probablement contre un banc de vase, avec lequel se fondait sa coque couleur terre brûlée.

La clarté déclinante persuada Bak de ne pas s’attarder. Il se savait tout à fait capable de nager jusqu’à la berge éloignée, cependant Ptahhotep n’était plus dans la fleur de l’âge.

— Il faut y aller, père. Nous avons une longue distance à parcourir.

Un mouvement attira son regard – un navire d’agrément descendait le courant à vive allure. C’était celui-là même qu’il avait remarqué un peu plus tôt, mais il l’avait oublié pendant qu’il luttait pour conserver la vie. Il eut peur que, dans la lumière incertaine, le navire passe près d’eux sans que nul ne les voie, toutefois un membre de l’équipage repéra la voile déchirée. Les rameurs ralentirent l’allure et, avec une adresse consommée, manœuvrèrent de sorte à s’approcher des naufragés. On leur lança des cordes et on les hissa à bord.

 

Kheprê n’était qu’un mince demi-cercle d’or au-dessus de l’horizon quand Bak s’éveilla, furieux et impatient d’entamer cette nouvelle journée. Toutefois, il lui fallait encore attendre la venue d’Hori et de Kasaya. Le bandage que son père avait enroulé autour de son torse irritait sa chair à vif, l’odeur âcre de l’emplâtre lui picotait le nez et celui de sa cuisse le comprimait trop. Il le défit, jugea que l’écorchure guérissait convenablement et jeta la bande. Son père, appelé pour soigner un pied infecté, n’aurait pas à le savoir.

Lorsqu’il sortit afin de panser ses chevaux, il remarqua que Défenseur boitait. Un examen sommaire révéla un petit caillou logé dans le sabot, problème auquel il serait facile de remédier et qu’il valait mieux ne pas laisser traîner. Mais, d’abord, les animaux devaient être nourris et abreuvés. Alors qu’il finissait de s’en occuper, il aperçut le scribe et le Medjai qui se hâtaient sur le sentier. Son bandage provoqua leur inquiétude et leurs questions. Pendant que les chevaux se rassasiaient, il s’assit avec les deux jeunes gens sous le sycomore, où il partagea leur repas du matin – du pain, du fromage et des dattes, fournis par la mère de Kasaya. Alors, il leur relata la mésaventure que son père et lui avaient subie la veille.

— Encore un coup de l’esprit malin ! soupira Hori d’un air lugubre. Le bateau devait être à lui ou sous ses ordres.

— Je parierais ma dague de fer que tu as raison.

Bak ne tenait pas ce genre de propos à la légère.

Cette arme lui était précieuse, car elle lui avait été offerte par une femme qu’il avait connue dans les premiers temps de son séjour à Bouhen et dont le souvenir demeurait dans son cœur.

— Qui d’autre aurait des raisons de vouloir ta mort ?

La question d’Hori ne réclamait pas de réponse et n’en reçut aucune.

Bak se munit d’un panier d’instruments que son père conservait chez lui au cas où on l’appellerait pour soigner un animal, et il s’agenouilla devant le cheval blessé. Pendant qu’il examinait le sabot du hongre, Kasaya le tenait par le licou et lui caressait la tête. Hori s’était juché sur le mur de brique crue, hors de portée d’une éventuelle ruade. S’il déplorait le jour où son père avait tenu à ce qu’il marche sur ses traces dans la carrière de scribe, et s’il ne faisait pas mystère de sa soif d’aventure, il éprouvait une certaine méfiance envers ces animaux immenses.

— Je m’étonne qu’il ne vous ait pas attaqués pendant votre ascension, Kasaya et toi, remarqua-t-il.

— Notre prétendu esprit malin n’était peut-être pas au Djeser Djeserou, à ce moment-là, et il ignorait donc que nous montions examiner les lieux.

Bak appuya d’une main légère tout autour du caillou afin de voir s’il était très enfoncé et de le dégager un peu. Défenseur hennit doucement, mais resta immobile.

— Ou alors, continua le policier, il s’y trouvait bel et bien, cependant il ne pouvait s’éclipser sans qu’on le remarque. Le plus probable, néanmoins, c’est que pour intervenir sans être vu il lui fallait emprunter un détour et qu’il serait arrivé trop tard.

Le garrot du hongre tressautait, montrant qu’il souffrait en silence. Kasaya le réconforta en lui tendant une poignée de grains.

— Il a pu monter par une crevasse différente, observa-t-il, mais lui aurait-il été possible de franchir les sommets de ces tours rocheuses sans être vu d’en bas ?

— Je ne sais pas, néanmoins je suppose que oui.

Estimant que la pierre pouvait être extraite sans difficulté, Bak prit de longues pinces dans le panier et l’ôta avec précaution, puis il examina la plaie. Hori lui tendit un petit bol d’onguent confectionné par Ptahhotep, et qui exhalait une odeur très semblable à l’emplâtre que son chef avait au dos.

— Il faut croire que l’esprit malin te redoute terriblement ! D’abord il essaie de t’ensevelir sous une avalanche et ensuite il coule la barque de ton père.

— Il a intérêt à me redouter ! répliqua Bak d’une voix dure, vibrante de fureur, qui fit renâcler le cheval surpris. Je suis un policier entraîné au métier de soldat. Moi, je sais me défendre. Mais mon père est médecin, il n’est plus ni jeune ni vigoureux. Le mêler à cette affaire était un acte indigne.

— Ce n’était sûrement pas lui qui était visé !

— Ah non ? répliqua Bak, grimaçant à cause de la forte odeur musquée de l’onguent qu’il appliquait avec délicatesse sur la plaie. Le bateau de pêche était amarré près du quai où mon père laisse toujours sa barque. Était-ce dans l’espoir que je rentrerais par le fleuve avec lui ? Ou n’attendait-on que Ptahhotep, ma présence constituant un avantage supplémentaire ? Avait-on l’intention de le blesser, voire de le tuer, pour m’avertir de ce qui risquait de m’arriver ?

 

— Je veux qu’on assure à mon père une protection permanente, mon commandant, déclara Bak en concluant son rapport sur les événements de la veille.

Le commandant Maïherperi, mince, âgé d’une quarantaine d’années, fixa Bak avec une intensité qui aurait décontenancé un homme moins mûr et moins aguerri. Ses cheveux crépus et sa peau foncée révélaient des origines métissées ; la balafre en travers de sa joue témoignait qu’il avait mérité son grade élevé.

— Pourquoi viens-tu me trouver ? interrogea-t-il. Puisque Amonked t’a chargé de cette enquête, adresse-toi plutôt à lui.

— C’est ce que j’ai fait. Il m’a suggéré de t’en parler. Tu es le chef de la garde royale ; en tant que tel, tu occupes une position distincte de toute autre forme d’autorité civile ou militaire. De plus, ajouta Bak, esquissant un sourire, il croit que tu me dois une faveur.

Le commandant, assis sur une petite estrade, se permit lui aussi l’ébauche d’un sourire.

— Parce que je t’ai arraché à l’armée pour te placer à la tête d’une compagnie de Medjai ? Parce que je t’ai envoyé à Bouhen quand notre reine a ordonné ton exil ? Ne voit-il pas combien la vie sur la frontière t’a été bénéfique ?

La salle, située au cœur de la caserne, dans l’enceinte même de la maison et des terres royales de Ouaset, possédait des proportions imposantes. Le plafond était soutenu par quatre grands piliers et l’air qui circulait par les hautes fenêtres procurait continuellement de la fraîcheur. Des relents de cuir et de sueur rappelaient les générations d’hommes en armes venus rendre leur rapport et recevoir les ordres de leur commandant. Hormis deux gardes à la mine farouche qui encadraient une large porte à deux battants derrière Bak, Maïherperi et lui étaient seuls. Leurs paroles résonnaient à travers la salle immense.

— Nous avons passé près d’un mois ensemble dans le Ventre de Pierres, mon commandant. Nous avons fini par nous connaître assez bien.

— C’est ce qu’on m’a dit.

Bak ne s’étonna pas que le commandant soit au fait des aventures d’Amonked sur la terre de Ouaouat. C’était bien connu, Maïherperi savait toujours tout. Il en avait l’obligation, car il était responsable de la sécurité du palais, ce qui incluait la protection de la reine et de tous ceux qui lui étaient chers.

Maïherperi ajusta le coussin derrière lui et se carra contre son siège.

— Je n’ai jamais rencontré ton père, lieutenant, mais d’après ce que j’ai entendu à son sujet, il n’acceptera pas de gaieté de cœur d’être chaque jour accompagné par une escorte.

— Je ne vois pas d’autre solution. Si celui que je cherche pense me nuire ou m’intimider à travers lui, mon père et notre petit domaine ne doivent pas rester sans protection.

— Je te l’accorde. Il faut que les accidents cessent au Djeser Djeserou, et tant pis si cela impose d’aller contre les désirs de Ptahhotep. Il devra s’accommoder d’une garde rapprochée jusqu’à ce que tu réussisses dans ta mission.

En temps ordinaire, Bak aurait prôné la modération et averti le commandant qu’il risquait d’échouer, tôt ou tard. Cette fois, il n’en fit rien. Il capturerait l’esprit malin, même s’il devait y consacrer le reste de ses jours.

 

— Je désire qu’on installe un auvent dans le temple d’Amenhotep et de sa vénérée mère Nefertari, indiqua Bak à Hori, alors que, avec Kasaya, ils gravissaient la chaussée du Djeser Djeserou. Tu le feras placer en un lieu isolé, dont nul ne pourra approcher sans être vu. Pourvois-le d’un tabouret bas, d’une natte pour s’asseoir et de cruches de bière en abondance.

— Bien, chef…

L’expression perplexe du scribe reflétait tel un miroir la curiosité audible dans sa voix.

— Tu as parlé avec beaucoup d’hommes qui ont été témoins ou victimes d’accidents sur le chantier. Pendant que tu t’occupes de tout préparer, je vais m’entretenir avec le jeune Ani. Puis tu amèneras ces hommes devant moi, l’un après l’autre. Je souhaite en savoir davantage, par des récits de première main.

Hori finit de monter la chaussée en courant et traversa la terrasse. Il croisa un groupe d’ouvriers qui halaient une statue deux fois plus grande que nature d’Hatchepsout, enveloppée pour l’éternité dans ses bandelettes de pierre. Comment parvenaient-ils à travailler aussi dur par une telle chaleur ? Bak en était pantois.

— Maintenant, Kasaya, défais-moi ce bandage, qui attirerait trop de regards curieux et trop de questions.

 

— Non, lieutenant. Montou ne me laissait jamais tranquille. Il me chargeait toujours d’accomplir des tâches pour lui. Surtout des corvées.

Installé sur sa natte sous l’auvent des scribes, Ani versa deux gouttes d’eau sur un pain d’encre noire et les mélangea à l’aide d’un pinceau à poils durs.

— Parfois, je devais réunir des fragments de poterie et de calcaire, mais je ne peux pas savoir si c’est moi qui lui avais donné ceux que tu as vus chez lui.

Bak, assis sur le tabouret, se réjouissait d’avoir trouvé le jeune garçon tout seul. Il doutait que Ramosé se soit mêlé à la conversation, mais ce vieux bavard d’Amonemhab aurait ajouté des commentaires de son cru, qu’on l’y invite ou pas.

— Il les aurait rapportés il y a une ou deux semaines.

Le gamin réfléchit, le front plissé.

— Je ne suis pas sûr, lieutenant. Pourrais-tu décrire quelques-uns des dessins ? Il se pourrait que je m’en souvienne.

Bak s’y employa. Il sentait une goutte de sueur rouler sur le côté de son visage. Pas un souffle d’air ne passait au Djeser Djeserou, et la chaleur pesait sur la vallée telle une lourde paillasse bourrée de laine nouvellement tondue. Son dos écorché lui donnait des démangeaisons, avivées par la chaleur. Le bandage ayant disparu, peu d’hommes y avaient fait allusion, et seulement en supposant que, comme sa cuisse, son dos avait été blessé lors du glissement de terrain.

Les croquis préliminaires de dieux et d’offrandes étaient courants, semblait-il, et rarement assez remarquables pour demeurer dans la mémoire. Mais dès que Bak commença à décrire les dessins comiques, le front d’Ani s’éclaira et un large sourire s’épanouit sur ses traits.

— Je me rappelle ! Je les ai ramassés sur un tas de gravats, entre les fondations de la nouvelle chapelle d’Hathor et le vieux temple de Mentouhotep.

Comme lui, Bak sourit au souvenir de ces scènes savoureuses, mais il recouvra bien vite son sérieux.

— Te souviens-tu d’une cruche ornée sur son col d’un dessin d’abeille ? Il aurait ressemblé à peu près à ceci…

Du bout de son bâton, il dessina dans le sable à ses pieds la forme d’une cruche, avec un collier où était accroché un pendentif en forme d’abeille.

Ani l’examina, puis secoua la tête.

— Il y était peut-être, mais je ne l’ai pas remarqué.

 

— Parle-moi de l’accident sans rien omettre. Le plus petit détail pourrait avoir son importance.

Bak s’assit sur le tabouret bas et, de son bâton, indiqua la natte de jonc par terre, devant lui. L’homme, un ouvrier du nom de Meri, paraissait méfiant à l’idée de partager l’abri avec l’officier. Non parce qu’il avait peur des questions, pressentit Bak, mais parce qu’il n’était pas habitué à la compagnie de représentants de l’autorité. Lui, il n’était qu’un homme parmi la multitude qui peinait jour après jour, déplaçant d’un lieu à l’autre des charges lourdes et encombrantes.

Avec une réticence évidente, il s’accroupit et prit place devant Bak. La poussière collait à son corps, donnant l’illusion qu’il formait une partie de la terre.

— Que puis-je te dire, lieutenant, que je n’aie déjà raconté à ton scribe ?

Bak retenait son souffle. Meri avait grand besoin d’une baignade. La brise légère qui s’était levée ne pouvait dissiper son odeur ; celle-ci dominait les relents de moisi qui montaient des ruines du petit temple. Posant son bâton en travers de ses genoux, il tira une cruche de bière d’un panier, près de son tabouret, et la tendit à l’ouvrier.

— Je veux entendre le récit de l’accident de ta propre bouche, Meri, et de nul autre.

Surpris qu’on lui offre à boire, Meri cala plus confortablement ses fesses étiques sur la natte, brisa le bouchon en boue séchée et engloutit bruyamment le breuvage.

— On tirait une statue de notre reine. Grande, et lourde. La même que celle qu’on déplaçait quand ton scribe est venu me chercher tout à l’heure. Toute terminée, à part la peinture. Prête à être érigée à l’endroit qui lui était destiné.

— Elle était censée se trouver dans le temple ?

— Oui, lieutenant. Juste devant la porte du sanctuaire.

Meri but à nouveau et passa la langue sur ses lèvres humides.

— On l’avait halée jusqu’au pied de la rampe, où on l’avait laissée pour la nuit. Elle était fixée sur un traîneau, comme celui qu’on utilise aujourd’hui.

Sa main se crispa autour de la cruche et il s’éclaircit la gorge.

— Ce matin-là, le matin de l’accident, un homme a versé de l’eau sur la rampe devant le traîneau pour que la pente glisse bien, et on s’est mis à tirer. On devait être une bonne vingtaine et on avançait vite. On avait gravi plus de la moitié du chemin quand c’est arrivé.

— Continue, le pressa Bak, qui voyait bien que l’histoire était pénible à raconter mais devait l’entendre jusqu’au bout.

— D’accord.

Meri avala une nouvelle rasade, qui ne lui procura aucun plaisir.

— J’étais un des plus proches du traîneau, et j’ai tout vu. Je te le dis, lieutenant, c’était… C’était terrible, se souvint-il, frissonnant en dépit de la chaleur.

Bak résista à l’envie de lui presser le bras, car ce petit geste de compassion n’aurait pu que le troubler, lui faisant perdre le fil de son récit.

— Raconte-moi ce que tu as vu, Meri, jusqu’au moindre détail.

— J’ai entendu un craquement retentissant – plus tard, j’ai pensé que ç’avait dû être une cheville en bois. En me retournant, j’ai vu que la première traverse s’était détachée du patin droit. J’ai entendu un autre craquement ; c’était la cheville de la deuxième qui lâchait. La statue était lourde, la tension énorme, et l’une après l’autre les chevilles ont sauté, puis le traîneau s’est disloqué. La statue, toujours attachée, a glissé en biais sur la rampe humide avec les patins et les traverses. On avait beau essayer de la retenir, elle était trop grande et trop lourde. Un des nôtres est tombé de la rampe et elle a basculé par-dessus, se brisant en morceaux. Il est mort sur le coup.

Meri passa la main sur son visage comme s’il tentait d’effacer ce souvenir.

— Crois-moi, lieutenant, c’était effroyable. Si ce n’est pas l’œuvre de l’esprit malin, alors c’est celle d’un dieu malveillant.

« Aucun dieu n’a causé cet accident, pensa Bak. Les traîneaux sont solides, conçus pour supporter des poids extraordinaires. Celui-ci a été endommagé, et les chevilles délogées. »

 

— J’ai trébuché sur une corde, lieutenant, et je suis tombé dans la carrière. Par chance et par la grâce des dieux, j’ai atterri sur une corniche et j’en ai été quitte pour une bosse au front.

Les yeux fuyants, l’apprenti tailleur de pierre ajouta en triturant l’ongle de son gros orteil :

— Je sais, j’aurais dû regarder où je mettais les pieds, mais j’étais distrait.

— Par quoi, au juste ?

— Je…

Le jeune homme leva les yeux vers Bak, puis les détourna.

— Je ne sais pas, lieutenant.

Soupçonneux, et se rappelant les fredaines de sa propre jeunesse, Bak demanda :

— Combien de bières avais-tu pris, ce jour-là ?

La réponse fut lente à venir et donnée à contrecœur.

— La matinée avait été chaude, comme aujourd’hui, et j’avais soif. Je… La tête me tournait, lieutenant, et l’esprit malin me brûlait le ventre. C’est ça qui m’a étourdi.

Un simple accident, arrivé à un homme trop ivre pour poser un pied devant l’autre.

 

— Je n’étais pas là quand ça s’est passé, mon lieutenant. Je peux seulement parler de ce que j’ai vu.

Le garde Ineni se tenait à la limite de l’auvent, hésitant à raconter son histoire de peur qu’elle ne mérite pas l’attention de Bak.

— Sa mort a été imputée à l’esprit malin, n’est-ce pas ?

— Oui, mon lieutenant.

— Alors tu dois satisfaire ma curiosité.

Ineni épousseta la natte pour la débarrasser de petits cailloux, s’y installa et accepta une cruche de bière avec gratitude.

— C’était un garde, mon lieutenant, et il se nommait Dedou. Il était jeune, grand et fort, un peu comme Kasaya, ton Medjai. Seul un esprit malin a pu le précipiter dans le vide.

Bak posa son bâton par terre, à ses pieds, pour mettre Ineni à l’aise. Le garde n’avait pas besoin que cet emblème lui rappelle davantage son autorité.

— Où est-il tombé, Ineni ? Et quand ?

— Il y a environ deux ans, mon lieutenant. Il est tombé de la plus haute colonnade jusqu’à l’endroit où l’on construit la nouvelle chapelle d’Hathor, sur un monceau de pierres qui devaient servir pour les fondations.

— Tu l’as découvert à l’aube ?

— Oui. Je venais le remplacer. D’habitude, il m’attendait au sommet de la chaussée, mais pour une fois il n’était pas là. Alors je suis parti à sa recherche.

Tout en sirotant sa bière, Bak se demandait pourquoi Menna avait désigné Imen à la place d’Ineni pour surveiller le tombeau ancien. Ce garde semblait digne de confiance et consciencieux.

— Tu t’es approché de lui dès que tu l’as vu, gisant là-bas ?

— Oui, mon lieutenant. J’espérais qu’il n’était pas trop tard.

Voyant son supérieur se désaltérer, Ineni l’imita. L’accident s’était produit trop longtemps auparavant pour le bouleverser, néanmoins ces souvenirs l’attristaient.

— J’ai compris tout de suite que Dedou n’appartenait plus au monde des vivants. Il avait une plaie effrayante derrière l’oreille gauche. Sa chair avait perdu toute chaleur et son teint était pâle comme de la cire.

Bak l’observait, attentif.

— Tu l’as retourné pour voir la blessure ?

— Oh, non, mon lieutenant ! Il gisait sur le ventre quand je l’ai trouvé.

Un homme pouvait-il se fracasser l’arrière du crâne en tombant en avant ? La réponse s’imposait d’elle-même.

— Où se trouvait la pierre qu’il avait heurtée ?

— Tout près de sa tête. Elle était ensanglantée.

— Une mare de sang s’était-elle formée autour de lui ou n’y en avait-il que sur la pierre ? Était-elle très volumineuse ?

Les questions se pressaient, trop rapides, trop insistantes.

Ineni, qui n’avait pas remarqué l’agitation de Bak, paraissait pensif.

— Elle faisait à peu près la taille d’un petit melon, elle était tachée et… Non. Je ne me rappelle pas avoir vu de sang ailleurs.

Il écarquilla les yeux, frappé par une évidence.

— Tu ne crois pas qu’il soit tombé, c’est ça, mon lieutenant ? Tu penses qu’on l’a frappé par-derrière ?

— Je suppose que tu n’as pas eu l’idée de chercher du sang parmi les colonnes, sur la terrasse supérieure.

— Non, mon lieutenant, répondit Ineni d’un air confus.

Bak resta immobile. Le meurtre de Montou n’était pas le premier survenu au Djeser Djeserou. Dedou avait connu le même sort.

 

— On se dépêchait, lieutenant. Tout le problème est là.

— Vous avez ramassé l’échelle, et en tournant, vous avez heurté l’échafaudage, résuma Bak, qui croisa les bras sur sa poitrine et regarda avec réprobation le robuste sculpteur de bas-reliefs au visage tanné. N’as-tu pas pensé à ceux qui travaillaient en haut ?

— Si, mais alors il était trop tard. Ahmosé était tombé et s’était cassé le poignet.

Un autre accident, dû à une simple négligence.

 

— Je transpirais, lieutenant, et j’avais les mains moites. Quand je me suis penché par-dessus le mur de soutènement, mon maillet m’a échappé des doigts. Un dieu malicieux l’a fait tomber sur la tête de Ptahmosé.

Bak jeta un regard douloureux à Hori. C’était le onzième ouvrier qu’il interrogeait Jamais il n’avait entendu mentionner tant d’esprits, de génies et de dieux parfois espiègles, mais le plus souvent malveillants. Pas un seul de ces hommes n’ignorait qu’il avait trouvé des traces d’une présence humaine sur la paroi rocheuse mais, pour une raison qu’il ne pouvait comprendre, il leur était beaucoup plus facile de croire au mystère et au surnaturel qu’à ce qui était prouvé et ordinaire.

 

— La veille, nous avions élevé cette partie du mur jusqu’à hauteur d’épaule et nous nous préparions à poser les pierres de revêtement.

— Pourquoi l’espace entre le mur et la terrasse avait-il été comblé ? demanda Bak. N’aurait-il pas fallu le faire une fois le mur presque fini et le revêtement en place pour le consolider ?

L’ouvrier trapu et musclé, qui se nommait Sobekhotep, essuya d’un revers de main la transpiration sur sa lèvre supérieure, striant de poussière une de ses joues. Son odeur n’était pas plus suave que celle de Meri.

— Tu as raison, lieutenant. Montou avait recommandé plusieurs fois aux porteurs de gravats de le combler plus tard.

— Pourtant, vous êtes allés contre ses instructions.

— Oui, mais on ne le savait pas, à ce moment-là. Quand on est revenu au mur, ce matin-là, on a trouvé beaucoup plus de gravats derrière que la veille, et on a même vu la grosse branche repliée. On a supposé que Pached ou Montou avait donné un contrordre, et on n’y a plus pensé.

Bak jura entre ses dents. Les ouvriers étaient partout les mêmes : ils acceptaient sans étonnement ce qu’il aurait toujours fallu remettre en cause.

— Avez-vous soupçonné l’esprit malin de les avoir ajoutés ?

— Oh, non, lieutenant ! protesta Sobekhotep avec véhémence. L’accident s’est produit avant que cette maudite créature ne se fasse connaître.

— À quoi avez-vous attribué ce malheureux événement ? Vous avez bien dû réfléchir, trouver une explication.

— Non, lieutenant. On n’a pas réfléchi, je veux dire.

Bak ne savait s’il devait rire ou pleurer. La sincérité de cet homme était admirable, sa naïveté un danger pour lui-même et pour tous ceux qui travaillaient à ses côtés.

— Tu dois me raconter ce qui s’est passé.

— Nous avons ajouté une rangée de pierres de revêtement. Ahotep – notre chef d’équipe, le frère de mon père – est monté pour vérifier l’assise. Il a buté contre le mur.

Sobekhotep s’humecta les lèvres et cligna des yeux.

— Il n’en fallait pas plus. Un petit coup de pied de rien du tout. Brusquement, le mur a cédé. Les pierres ont volé dans tous les sens. Ahotep a été frappé en plein visage par la branche et le mur s’est écroulé autour de lui. Nous l’avons dégagé, et nous avons découvert alors qu’elle lui avait crevé l’œil et transpercé le crâne. Il a rendu son dernier souffle dans mes bras.

— Tu as déclaré à mon scribe que Montou s’est mis en fureur quand il a vu ce qui s’était passé.

— Oui. Il croyait qu’on avait courbé la branche exprès, puis jeté la terre et les gravats tout autour afin de la maintenir en place provisoirement. D’après lui, elle était censée briser le mur en se détendant. C’est bien ce qui s’est passé, admit Sobekhotep, sa bouche se crispant à ce souvenir. Montou y voyait une vilaine farce. Un tour joué par un mauvais plaisant.

— Par la suite, je suppose, on a imputé l’accident à l’esprit malin.

Sobekhotep hocha la tête.

— Mais maintenant, lieutenant, tu affirmes que ce spectre est un homme.

— Je crois même qu’ils sont plusieurs. Il faut être au moins deux pour organiser l’accident que tu viens de décrire.

Il s’agissait d’une machination, sans aucun doute. Personne n’aurait pu prédire la mort d’Ahotep, mais le but avait été d’endommager le mur et de briser le moral des ouvriers. Si quelqu’un en était victime, tant pis.

 

À la fin de la journée, Bak avait entendu près de trente témoignages et fait la part entre les accidents flagrants et ceux qui paraissaient suspects. Quelques-uns se situaient à la limite, impossibles à placer dans l’une ou l’autre catégorie. Ceux qu’il croyait délibérés étaient presque tous survenus à une heure matinale ; il était donc porté à croire que les préparatifs avaient lieu la nuit, quand les hommes apeurés évitaient de quitter les cabanes. Alors, dans le Djeser Djeserou désert, l’esprit malin pouvait préparer son œuvre de destruction sans crainte d’être découvert.

L’esprit malin. Bak eut un rire cynique. À de rares exceptions près, les hommes avec qui il avait parlé se raccrochaient encore à la conviction qu’un spectre maléfique était responsable du moindre accident, y compris l’éboulement sur le mur nord. L’histoire répandue par Hori et Ani était tombée dans l’oreille de sourds. Puisqu’on n’avait vu personne sur la falaise, le policier avait dû mal interpréter les signes qu’il avait trouvés là-haut. Du moins voulait-on le croire.

 

Bak pénétra sous l’auvent de Ramosé et de ses scribes, se laissa tomber sur le sable, à l’ombre, et posa près de lui le panier de cruches vides. Il se sentait las, il avait chaud et terriblement besoin de se baigner.

Levant la tête du rouleau déployé sur son giron, Amonemhab s’enquit :

— Pas de chance, lieutenant ?

— La journée n’a pas été entièrement perdue.

— Mais pas un franc succès, j’ai l’impression.

— Quelqu’un t’a-t-il parlé du scribe qui a fait une chute mortelle ? demanda Ani très vite, comme pour faire taire son grand-père. On dit que c’était un accident, mais je n’y crois pas.

— N’ennuie pas le lieutenant avec ces sottises, petit. Houni n’est pas mort au Djeser Djeserou.

— Non, mais pas très loin, répliqua le jeune garçon d’un ton plein de défi. On l’a trouvé dans le canal par où les barges apportent la pierre dure jusqu’à la rampe.

Bak lut le scepticisme sur le visage du vieillard et une absolue conviction sur celui de l’adolescent.

— Que s’est-il passé, Ani ? Raconte-le-moi.

— Pour autant que je sache, personne n’a vu Houni tomber, poursuivit Amonemhab comme si le policier n’avait rien dit. Il était scribe sur ce chantier. Après sa disparition, Ramosé m’a amené ici pour le remplacer.

Ani lança un regard noir à son grand-père, qui semblait s’évertuer à gâcher son histoire.

— On l’a découvert dans l’eau, près d’une barge qui convoyait une cargaison de granit. Elle était amarrée au pied de la rampe et attendait d’être déchargée. Houni avait l’arrière du crâne brisé. Ceux qui l’ont repêché ont pensé qu’il était tombé de la barge ou du bord du canal, et que sa tête avait heurté quelque chose de dur. Mais moi, je n’y crois pas, affirma le jeune garçon d’un air obstiné. Il n’était ni maladroit ni distrait. Il ne serait jamais tombé en arrière, lieutenant, à moins d’être poussé.

— Tu sembles certain qu’il s’agit d’un meurtre. En as-tu parlé à quelqu’un, à l’époque ?

— Personne ne voulait m’écouter, mais je savais que c’était bizarre. Je le savais !

Bak accepta la cruche de bière que lui tendait Amonemhab. Tout en buvant le breuvage épais et amer, il réfléchissait aux faits relatés par Ani. Celui-ci pouvait se tromper en croyant à un crime, ou tout aussi bien avoir raison.

Hormis les accidents causés par l’inattention, la plupart avaient été mûrement pensés, organisés de sorte à passer pour un malheureux hasard ou pour l’acte vindicatif d’un esprit mauvais. Mais, si le scribe avait été assassiné à l’instar du garde Dedou, pour ces deux victimes le meurtre avait été moins bien planifié. Avec Montou, ils étaient trois à avoir été frappés à l’arrière du crâne.

« Pourquoi ces trois meurtres n’ont-ils pas été préparés de la même façon que les autres ? se demanda Bak. Les victimes avaient-elles reconnu l’esprit malin, ce qui rendait essentiel de les supprimer sur-le-champ ? »

 

— Quand est née cette rumeur à propos d’un esprit malin ? interrogea Bak.

Ramosé, Amonemhab et Pached s’entre-regardèrent et haussèrent les épaules. Leur visage était éclairé par le rougeoiement du feu autour duquel tous quatre étaient assis. Malgré l’obscurité grandissante, Hori, Kasaya et Ani jouaient avec une balle de cuir sur le sable, entre les cabanes et l’ancien temple. Hori s’était départi de son sérieux pour s’amuser avec la même joie débridée que l’enfant. Quant à Kasaya, il ne perdait jamais son enthousiasme juvénile.

— Elle existait avant que je vienne ici, répondit Amonemhab. C’était il y a deux ans, à la mort d’Houni, comme nous te l’avons expliqué.

— Elle avait commencé bien avant. Il y a trois ans au moins, remarqua Pached en plongeant un morceau de pain dans la marmite posée sur les charbons ardents.

Le ragoût exhalait un fumet de mouton aux oignons et avait un petit goût de brûlé.

Ramosé hocha la tête.

— Cela date d’il y a encore plus longtemps, à mon avis.

— Comment a-t-elle débuté ?

Sachant son père protégé, Bak avait décidé de passer la nuit au Djeser Djeserou avec ses hommes. Au cours de la journée, il avait glané une quantité considérable d’informations ; quelques heures de plus pourraient encore y ajouter.

L’architecte haussa les épaules.

— Les hommes cherchent une excuse pour s’abandonner à la superstition, puis ils l’enjolivent. Les tombeaux anciens que nous découvrons par hasard ne font qu’alimenter ces rumeurs, aussi je suppose que l’idée d’un esprit malin est née lorsque nous avons trouvé la toute première sépulture.

— Cela ferait environ quatre ans, objecta Ramosé. Je doute qu’on ait entendu parler de lui dès cette époque.

— Ils s’effraient d’un rien, décréta Amonemhab. Ça leur fournit un prétexte pour abandonner leur besogne bien avant la nuit.

— Je les ai toujours vus donner leur pleine mesure, lui opposa Ouseramon en surgissant de l’obscurité.

Le chef des sculpteurs courba son grand corps vigoureux pour s’asseoir entre Amonemhab et Ramosé, puis il se poussa afin de faire de la place à son minuscule ami, Heribsen, qui arrivait juste derrière lui.

— L’évocation d’un mystère éclaire leur quotidien et pimente une existence par ailleurs bien morne.

Bak plia son bout de pain en deux et pinça un morceau de viande.

— Tu parles avec beaucoup de légèreté d’un jeu mortel, Ouseramon.

— Il feint l’indifférence, lieutenant, intervint Heribsen. Pour ma part, je ne peux affecter une telle nonchalance.

Il accepta la cruche de bière que lui offrait Ramosé et but une gorgée. Dans la lumière mouvante du feu, les rides profondes de son large front soulignaient son inquiétude.

— Je sais que, selon toi, l’esprit malin n’est qu’un homme. Peut-être est-ce vrai. Mais, homme ou esprit, attendra-t-il sans réagir que tu chasses des cœurs la terreur qu’il a si soigneusement instillée ?

 

— Lieutenant Bak !

Hori, laissant la balle passer au-dessus de sa tête, tendit le doigt vers le temple de Mentouhotep.

— Regarde, chef ! L’esprit malin !

Le cri du jeune homme sonna haut et clair à travers l’étendue de sable. Bak se leva d’un bond et scruta les vestiges. Les autres assis autour du feu l’imitèrent, comme ceux qui étaient installés devant les cabanes voisines. Bak crut apercevoir une lumière parmi les colonnes brisées derrière la terrasse en face d’eux, mais elle disparut si vite qu’il ne put en avoir la certitude.

— Je ne vois rien, dit Pached.

— Moi non plus, remarqua Ramosé en secouant la tête.

Kasaya ramassa sa lance et son bouclier.

— Tu veux qu’on y aille, chef ?

Il fixait le temple, apparemment sans distinguer quoi que ce soit d’anormal. Chacune de ses paroles semblait plus hésitante que la précédente.

— Je n’ai rien vu du tout, confia Ani.

Son grand-père se gratta le cou.

— Moi, je ne sais pas. Mes yeux me jouent quelquefois des tours.

Bak scrutait toujours les ruines, dont les murs croulants et les colonnes effondrées n’étaient que des ombres vagues sous le maigre clair de lune. En criant si fort, Hori avait donné l’alarme sans le vouloir à celui qui rôdait là-bas – car il y avait quelqu’un, à coup sûr. Bak était également certain que l’homme s’échapperait – cette nuit-là, en tout cas. Si sa lumière avait brillé dans la vallée aussi souvent que l’affirmaient les ouvriers, il connaissait chaque coudée du vieux temple mieux que quiconque.

Bak décida de remédier à cette lacune.

Le souffle de Seth
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